INSERTION SOCIALE ET PROFESSIONNELLE DES ENFANTS ET JEUNES AU SAHEL
RETOUR SUR LE COLLOQUE INTERNATIONAL DU SECOURS ISLAMIQUE FRANCE (SIF)
LES ACTES QUI CONSIGNENT LES INTERVENTIONS ET LES RECOMMANDATIONS SONT EN LIGNE
Ils représentent l’avenir, mais peinent à se construire dans le présent. Au Burkina Faso, au Sénégal et au Mali, trois pays du Sahel, près de six jeunes sur dix se disent préoccupés par leurs conditions de vie au quotidien. Ils jugent que l’éducation scolaire qui leur est proposée est de mauvaise qualité, inadaptée au marché de l’emploi. Ces inquiétudes se traduisent par un fort pessimisme dès lors qu’ils se projettent vers le futur : ces mêmes jeunes jugent l’insertion sur le marché de l’emploi comme difficile.
Des prises de paroles et débats basés sur une enquête inédite menée auprès de plus de 1 500 jeunes sahéliens, commanditée par le Secours Islamique France (SIF).
Ces quelques données font partie des nombreuses informations, ressentis et témoignages recueillis à l’occasion d’une enquête menée auprès de 1 500 jeunes sahéliens de 14 à 25 ans. Commanditée par le Secours Islamique France (SIF), cette enquête a été réalisée sur le terrain par l’institut de sondage OpinionWay, avec le soutien du Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères. Cette étude était au cœur des débats et analyses du Colloque International que le SIF a organisé le 8 novembre 2022 à Dakar, au Sénégal, sur le thème : Enfance et jeunesse au sahel : facteurs d'exclusion, dynamiques d'inclusion.
Au Sahel, la jeunesse est fragilisée par de multiples crises prolongées : conflits, problèmes socio-économique, climat...
Très engagée sur les problématiques d’éducation, de protection et de bien-être de l’enfance, et notamment au Sahel, notre ONG a tenu à dédier un évènement à cette thématique à l’occasion de son 30ème anniversaire. En effet, nos équipes sont particulièrement préoccupées par la situation dans cette région du monde, marquée par de multiples crises, intenses et prolongées. La persistance des conflits, la dégradation socio-économique et la crise climatique ne cessent de fragiliser les populations, et particulièrement les jeunes : les enjeux sont cruciaux !
Des interventions de haut niveau : représentants institutionnels, agences des Nations Unies...
Outre des interventions des équipes du SIF, le colloque a été rythmé par des prises de parole d’intervenants de haut niveau, tels que des représentants institutionnels, des partenaires techniques et financiers, des acteurs majeurs de la société civile, ou encore des organismes onusiens comme le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) et l’Organisation des Nations unies pour l'Education, la Science et la Culture (UNESCO).
Un colloque complémentaire des actions humanitaires de terrain du SIF au Sahel
Plus largement, le colloque du SIF s’inscrit dans la continuité des efforts opérationnels et de plaidoyer que notre ONG met en œuvre depuis plusieurs années pour améliorer la compréhension des défis rencontrés par les enfants et les jeunes dans les pays du Sahel. Nous travaillons au renforcement de la coopération des autorités et des acteurs de développement pour la réalisation des droits des enfants et des jeunes, qui peuvent être victimes d’exclusion et de marginalisation.
Les Actes du Colloque, un ouvrage qui nourrit la réflexion sur les problématiques de la jeunesse au Sahel
De ce colloque ont émergé de nombreuses pistes de réflexion et des recommandations sur ces enjeux capitaux. Nous les avons consignées dans un document qui en restitue l’essentiel, tout en mettant à disposition les principaux résultats du sondage mené auprès de la jeunesse sahélienne. En ce 15 juillet, Journée Mondiale des Compétences des Jeunes organisée sous l’égide de l’ONU, nous vous proposons de découvrir la version numérique des Actes du Colloque International du SIF, en libre consultation.
VISIONNER LE discours de clôture et des tÉmoignages
Quel est le contexte au Sahel ?
Les dix dernières années ont laissé des traces profondes pour la population locale, victime collatérale de la dégradation des conditions de sécurité, et la situation reste critique. Au Sahel, les conflits armés sont violents et se poursuivent, marqués par les exactions de groupes terroristes, qui sévissent notamment dans la zone dite des « trois frontières » entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso. Globalement, le contexte provoque des déplacements massifs de population.
En 2021, l’UNHCR estime à 2,1 millions le nombre de personnes qui n’ont eu d’autre choix que d’abandonner toute une vie derrière eux pour prendre la route de l’exil. Cette instabilité fragilise encore davantage une population déjà soumises à de multiples crises : socio-économique, instabilité politique symbolisée par de nombreux coups d’État, dérèglement climatique.
*Source : UNHCR
Crises au Sahel : quelles conséquences pour l’enfance, la jeunesse sur leur insertion sociale et professionnelle ?
Dans le Sahel, plus de 64 % de la population est âgée de moins de 25 ans*. Dans le contexte actuel, l’accès à l’éducation scolaire demeure un problème majeur pour les enfants et les jeunes adultes, dont l’avenir s’assombrit d’années en années. Fin 2021, 13 millions d’enfants étaient privés d’école, une situation alarmante notamment lié aux 5 500 fermetures d’établissements provoquées par l’insécurité**.
Sahel : près d’un jeune sur deux, âgé de 15 à 24 ans, n’est pas alphabétisé
En outre, beaucoup d’enfants bénéficient uniquement d’un enseignement religieux dans des écoles coraniques traditionnelles. Les difficultés se cumulent donc les unes aux autres, véritables freins qui ne sont pas sans conséquences. Le taux d’alphabétisation (15-24 ans) des jeunes est très bas au Sahel : 56,95%, contre 76,58% en moyenne pour l’Afrique subsaharienne et à plus de 91% pour la moyenne mondiale***. En toile de fond, l’accès aux formations professionnelles représente un défi majeur, tandis que le marché du travail reste contracté et très pauvre en opportunités.
Au Sahel, les jeunes subissent la violence et les conflits
Les pays du Sahel évoluent dans des contextes de violence et conflits qui exercent un impact très fort sur les jeunes. Des problèmes de pauvreté, de manque de ressources, d’insécurité alimentaire, et des inégalités s’imbriquent à l’ensemble. Ces facteurs favorisent un sentiment de manque de cohésion sociale qui peut se traduire par un repli communautaire et/ou identitaire.
Ils peuvent également expliquer que la jeunesse se tourne de plus en plus vers les voies de violence, que ce soit la délinquance, voir l’extrémisme violent. Face à cela, la résilience des jeunes est un enjeu clé aux dynamiques d’inclusion des jeunes, notamment à travers des projets qui favorisent leur participation et leur permettent d’exprimer leurs perceptions des vulnérabilités et d’envisager des solutions.
COLLOQUE DU SIF : PAROLES D’INTERVENANTS
« La cohésion sociale est affaiblie par la corruption, le manque de ressources, l’absence de perspectives »
« Les jeunes ressentent une tension très forte car la cohésion sociale est affaiblie par la corruption, par le manque de ressources et perspectives et par le manque de statut social. Parallèlement à cela, des groupes islamistes tentent de profiter de la frustration des jeunes vis-à-vis du système sociétal et religieux, très hiérarchisé, pour essayer de les enrôler »
« La pauvreté engendre frustrations et révoltes »
« L’éradication de la pauvreté, est le principal défi qu’il faut relever. Elle engendre la misère, le désespoir, frustrations et révoltes, l’exclusion sociale. Cette question bien adressée peut permettre à des milliers de familles et de communautés de développer elles-mêmes des stratégies communautaires de protection et de prévention contre tous les risques auxquels les enfants, les adolescents et les jeunes pourraient être exposés. »
« Scolariser et maintenir les filles à l’école »
« Accompagner la résilience, c’est également accorder une attention particulière à la mise en place de systèmes éducatifs inclusifs qui parviennent à scolariser et à maintenir en particulier les filles à l’école. Pour répondre à cette problématique, en particulier dans la zone sahélienne, les efforts doivent se concentrer sur une réponse non seulement éducative mais surtout pluridimensionnelle : offre de santé, alimentation scolaire correcte. Les conditions de sécurité des filles doivent être garanties sur le chemin de l’école tout comme à l’école. Les familles des filles doivent être informées, sensibilisées aux gains économiques du fait de laisser leur fille aller à l’école, et ainsi de suite. »
* Source : Programme des Nations unies pour le Développement via Sahel - Terre d'opportunités (undp.org)
*** Source : UNESCO, L'UIL lance une étude sur l‘alphabétisation dans la région du Sahel | UIL (unesco.org)
CRISES AU SAHEL : LES RECOMMANDATIONS DU SECOURS ISLAMIQUE FRANCE
- Renforcer l’accès à l’éducation au Mali, Burkina Faso et Sénégal par :
La formation du corps enseignant et l’installation d’infrastructures et équipements scolaires adaptés pour une éducation de meilleure qualité ;
- La mise en place de formations professionnelles adaptées au marché de l’emploi ; et une meilleure perméabilité entre le système formel de formation et l’apprentissage traditionnel ;
- Le soutien aux approches communautaires, prenant en compte la demande sociale et la contribution des acteurs communautaires à l’éducation et l’insertion socio-professionnelle des jeunes ;
- L’accompagnement du processus d’intégration des écoles coraniques traditionnelles non formelles sur le long terme afin de permettre l’accès à une éducation de qualité
Les zones de crises ne doivent pas être oubliées, à travers :
- L’intégration des engagements pris lors de la Déclaration sur la sécurité dans les écoles dans les politiques nationales et les cadres opérationnels, notamment assurer la continuité de l'éducation durant les conflits armés, soutenir le rétablissement d’installations scolaires, et faciliter une assistance internationale aux programmes destinés à prévenir les attaques contre l'éducation ;
- La proposition de réponses d’urgence et le développement de modalités alternatives d’éducation, comme l’éducation à distance, permettant au enfants et jeunes de continuer leur éducation malgré les crises ;
- La consolidation de la résilience des systèmes éducatifs sur le long terme au niveau central mais aussi au niveau déconcentré/décentralisé afin de maintenir les enfants et les jeunes dans le système éducatif formel et la formation professionnelle en assurant une éducation de qualité pour tous les enfants et jeunes y compris ceux qui sont aujourd’hui hors système formel
- Prévenir et répondre aux cas de violences, d’abus et de négligence à tous les niveaux, y compris au niveau des communautés et en commençant par l’accès à l’état civil de tous les enfants afin qu’ils puissent par exemple bénéficier de l’accès aux soins.
- Consulter les enfants et les jeunes afin qu’ils expriment leurs avis et participent concrètement et de manière effective aux décisions qui les impactent, en accord avec l’article 12 de la Convention internationale des droits de l’enfant*.
Ces recommandations se basent sur l’expérience terrain du SIF et des travaux de ses équipes de plaidoyer, enrichie des enseignements apportés par l’étude menée avec OpinionWay et soutenue par le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Présentée lors du Colloque, cette enquête a interrogé plus de 1 500 jeunes Sahéliens en situation de vulnérabilité, âgés de 14 à 25 ans.
* CIDE, art.12 : « Les États parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité.
Au Sahel, le SIF mène des projets autour de l’éducation pour soutenir les enfants et jeunes talibés
ONG de solidarité internationale,
le SIF renforce les projets humanitaires déployés sur le terrain par des actions de plaidoyer.