Le Liban est frappé par la pire crise économique de son histoire. Soutien psychosocial, conseils, réorientation, formation professionnelle, aide à la création d’activités génératrices de revenus… Le Secours Islamique France (SIF) a lancé un projet cofinancé par l'AFD pour accompagner des femmes très fragilisées vers l'emploi sur un marché du travail contracté. Le dispositif  est renforcé par un appui apporté à une centaine d’entreprises afin de stimuler le tissu économique local, donc créer des opportunités pour la communauté. Découvrez également le témoignage de Batoul, une jeune bénéficiaire en passe de réussir sa reconversion.   

La situation est critique au Liban. Les analyses de la Banque mondiale le confirment de façon très inquiétante : à l’échelle mondiale, l’effondrement économique de ce pays du Proche-Orient est considéré comme l’une des pires crises depuis le milieu du… XIXe siècle ! Très forte dépression de la valeur de la Livre libanaise (- 95% depuis 2019) et inflation de 142,3 % en novembre 2022 calculée sur un an… Le pouvoir d’achat a chuté de façon vertigineuse. En 3 ans, le taux de chômage a triplé et avoisine désormais les 30 % de la population active. Les conséquences sont dramatiques.

Selon la Commission Economique et Sociale pour l’Asie occidentale (ESCWA) des Nations unies, plus de 80% de la population (sur)vit désormais sous le seuil de pauvreté, fixé à 5, 50 euros par jour. Face à cette détresse, le Secours Islamique France (SIF) multiplie les actions humanitaires et sociales. Il vient de lancer un nouveau projet destiné à soutenir l’autonomisation des femmes par l’insertion professionnelle : « Ma Carrière, mon choix ».

Cofinancée par l’AFD, cette action est menée en collaboration avec deux autres ONG (Basmeh and Zeitooneh et Women’s Program Association) et le Ministère des Affaires sociales via les Centres de Développement Social (CDS). Le projet comporte plusieurs volets.

La crise économique fragilise particulièrement les femmes, qui peinent à s’insérer sur un marché du travail très faible en opportunités. Le SIF en a identifié 540. Âgées de 18 à 29 ans, elles vivent dans la capitale, Beyrouth, à Tripoli, ou dans le sud du pays. En situation de grande précarité, ces femmes bénéficieront d’un accompagnement sur le long terme. Les profils sont variés : si certaines ont suivi de longues études, d’autres sont des réfugiées Syriennes ou Palestiniennes qui ont fui leur pays à cause surtout de la récurrence des conflits armés. 

Nos équipes feront d’abord le point avec chacune d’entre elles en organisant des séances d’orientation. Sur la base de cette première analyse, le SIF identifiera les facteurs bloquants avant de proposer des formations adéquates et en assurera la prise en charge financière. Notre ONG mettra ensuite en place une stratégie d’insertion professionnelle avec chaque bénéficiaire tout en accordant des micro-crédits à celles qui en auraient besoin pour développer leur propre activité génératrice de revenus. Pour les aider à se construire un réseau et pour leur faciliter l’accès aux offres d’emploi et aux marchés potentiels, le SIF a noué un partenariat avec la Chambre de commerce de Tripoli.  Directeur exécutif du SIF, Mahieddine Khelladi, de retour du Liban, décrypte :

« Au Liban, la crise est tellement grave que la dépendance vis-à-vis de l’aide humanitaire est devenue réelle. Sur le long terme, ce n’est pas viable. On va donc aider ces femmes à retrouver des repères, à identifier leurs atouts et les possibilités qui peuvent s’ouvrir à elles, pour les réorienter. Cette action nécessite beaucoup d’écoute, et de temps : le projet du SIF est pensé sur un cycle de trois ans avec, pour finalité, un retour durable à l’emploi et l’autonomie totale de ces femmes… »

« C’est très difficile… Trop difficile pour moi ! » Ces quelques mots, entendus à maintes reprises par les équipes du SIF au cours des premières évaluations auprès de ces femmes, trahissent une perte de confiance en soi. Notre ONG a donc décidé d’accorder une grande place aux séances de soutien psychosocial. Communication efficace avec les autres, prises de parole en public, estime de soi, résolution des problèmes, gestion du stress et des émotions, esprit critique… Ces actions sont l’occasion de développer et de renforcer des compétences pour la vie courante. Le Directeur exécutif du Secours Islamique France explique :

« Le SIF va contribuer à former ces femmes pour qu’elles retrouvent la force de faire face aux situations compliquées. C’est une étape très importante de notre projet. Elles sont frappées par un chômage de longue durée, elles ont perdu leurs repères et leur confiance en elles. Certaines d’entre elles ont des diplômes mais n’étaient guère préparées à traverser de telles périodes de difficulté. Pour les réfugiées Syriennes, le soutien psychosocial est indispensable à la reconstruction personnelle : leur parcours de vie est accidenté, une partie d’entre elles ont subi des horreurs telles que les viols pendant leur exil, ce sont des femmes brisées… »

Formations, soutien psychosocial… Les femmes accompagnées par le SIF reçoivent les outils pour s’insérer professionnellement malgré la crise

Batoul avait un rêve, qu’elle n’a pu réaliser malgré un Bachelor (3 à 4 années d’études) en droit décroché à l’Université de Beyrouth. La jeune femme est restées aux portes du marché du travail, faute d’opportunités, conséquence de la pire crise économique de l’histoire du Liban. Sans ressources, Batoul a dû se résoudre à changer d’orientation.

Accompagnée par les équipes du Secours Islamique France (SIF) dans le cadre du projet « Ma Carrière, Mon Choix », elle est désormais regonflée à bloc. Batoul s’apprête à débuter une formation en marketing, centrée sur les réseaux sociaux. La jeune femme intégrera ensuite une entreprise pour un stage, occasion de passer de la théorie à la pratique, donc d’engranger de l’expérience.

 « Si Batoul n’est pas embauchée à l’issue de son stage, on ne l’abandonnera pas, indique un collaborateur du SIF au Liban. On l’aidera à identifier d’autres employeurs, à rédiger son CV et ses lettres de motivation, et on la préparera aux entretiens jusqu’à ce qu’une solution viable soit trouvée…»     

La jeune femme est donc pleinement intégrée dans un processus pensé sur le long terme. Dans un premier temps, ce travail avait commencé par une analyse de ses forces et des secteurs porteurs, ceux qui recrutent sur un marché du travail local très contracté. L’idée était de lui donner tous les éléments pour qu’elles puissant opérer un choix de carrière cohérent, et surtout, réaliste.

Pour multiplier les chances de Batoul, le SIF lui a ensuite proposé des cours d’informatique, complétés, notamment, par des sessions de développement personnel : capacités d’adaptation, rhétorique, gestion du stress, prise de décision, ou encore, confiance en soi.

« Batou est devenue très positive, et croit de nouveau en l’avenir, conclut le collaborateur du SIF. Comme son expérience le démontre, les défis et les freins que rencontrent les femmes au Liban pour se faire une place sur le marché du travail peuvent être surmontés avec un accompagnement adapté. Le projet leur donne la force d’avancer…»

D’avancer, voire même écrire un livre. C’est en tout cas le projet alternatif qui tenait à cœur à Batoul. La jeune femme a d'ores et déjà bouclé le manuscrit d’un recueil de poésie, et rêve désormais de le voir publier…

Au Liban, les entreprises sont asphyxiées par la gravité de la situation économique. Au fil du temps, les dépôts de bilan des entreprises se sont malheureusement multipliés de manière exponentielle. L’un des aspects du projet du SIF consistera donc à apporter un appui à une centaine de petites entreprises. Business plans adaptés au contexte, aides financières… Nos équipes leur donneront les moyens de mieux résister à la crise et de se développer. En outre, cette action créera un cercle vertueux en stimulant le tissu économique local et le marché de l’emploi, donc d’augmenter les chances d’accès à l’emploi des femmes que nous soutenons. Le Directeur exécutif du SIF conclut : 

« Les micros et les petites entreprises sont les piliers de l’économie au Liban, mais se portent mal. Les aider est donc capital. En plus du soutien qu’on leur apporte directement, on travaille à renforcer leurs liens avec les Chambres de Commerce, et on les sensibilise sur les créations d’emploi. Quand elles iront mieux et qu’elles en auront les moyens, il est très important que ces entreprises jouent le jeu en embauchant… »

Pour plus d’efficacité et d’empathie, l’accompagnement du SIF est individualisé et adapté à la situation de chacune des bénéficiaires.

CRISE AU LIBAN : FAIRE UN DON

Le SIF apporte son soutien aux Libanais vulnérables, ainsi qu’aux réfugiés syriens et palestiniens par des projets d’éducation et de protection de l’enfance, des transferts monétaires, de la sécurité alimentaire et des moyens d’existence, de l’accès à l’eau, et des interventions d'urgence, comme nous l’avions fait, par exemple, en 2020 lors des terribles explosions du port de Beyrouth. Pour renforcer nos actions, nous avons besoin de vous. Le SIF est labellisé par le Don en Confiance.