SOLIDARITÉ INTERNATIONALE, LE RENONCEMENT FRANÇAIS DE TROP
Dans une tribune collective publiée par le journal Le Monde, le Secours Islamique France et plusieurs de ses pairs tirent la sonnette d’alarme sur le recul sans précédent des engagements de solidarité internationale de la France et appellent le Président de la République, Emmanuel Macron, à revenir sur ce renoncement.
« Les inégalités augmentent, la vulnérabilité climatique ajoute encore aux risques et notre monde est soumis à des chocs de plus en plus grands. » Voilà les mots par lesquels s’ouvraient il y a à peine 3 mois le sommet pour un nouveau pacte financier mondial. À cette occasion, le Président de la République, Emmanuel Macron, avait convié le monde entier à Paris pour élaborer des solutions durables contre l'extrême pauvreté et faire face aux défis des changements climatiques. Une des solutions phares : « Nous devons assumer un choc de financement public ».
France : un recul inédit des engagements de solidarité internationale
Quelques semaines plus tard, le gouvernement français a acté, dans la plus grande confidentialité, un recul sans précédent de ses engagements pour la solidarité internationale, gelant ses efforts de solidarité pour 2024, et surtout repoussant à 2030 l’éventuelle atteinte des 0,7 % du RNB consacrés à la solidarité internationale. Cette échéance n’engagera plus Emmanuel Macron, et probablement pas la personne qui sera amenée à lui succéder...
Pourtant, la loi du 4 août 2021 affichait la volonté du gouvernement de consacrer 0,7 % de la richesse nationale à l’aide internationale chaque année dès 2025. Une promesse qui avait été formulée par la France aux pays les plus pauvres dès 1970, sans jamais être respectée et qui devra attendre 5 ans de plus. Derrière ces pourcentages, ce sont au bas mot 11 milliards d’euros qui ne seront pas disponibles pour apporter une aide cruciale aux populations les plus vulnérables, que ce soit pour leur accès aux soins, à l’eau, à l'éducation, pour faire face aux défis des changements climatiques, ou encore pour répondre aux situations de crises humanitaires.
Et, si l’aide publique au développement continue de stagner comme le budget 2024 le prévoit, ce sont plus de 28 milliards d’euros qui manqueront à la coopération internationale d’ici 2030. À titre de comparaison, les pays de la Corne de l’Afrique (le Soudan du Sud, la Somalie, l’Éthiopie et le Kenya) ont besoin de 9,1 milliards d’euros en 2023 pour faire face à la pire crise alimentaire depuis 1945, largement due à une sécheresse historique fortement aggravée par la crise climatique.
L’une des rares lois votées à l’unanimité abandonnée !
Revenir sur cet engagement est d’autant plus déplorable qu’il n’est pas une question de charité, mais de justice. Dans un monde de profusion, les pays du G7 et la Russie sont à eux seuls responsables de 85 % des émissions mondiales depuis 1850, soit 850 fois les émissions du Kenya, de l'Éthiopie, de la Somalie et du Soudan du Sud réunis.
Dans un monde où les risques sanitaires, les conséquences de la pauvreté et les menaces liées aux changements climatiques sont majeurs, c’est la relation de la France au monde et notamment à l’Afrique qui est en jeu. Considérer la coopération internationale au seul prisme des intérêts français ou comme un enjeu de communication pure serait une erreur.
Emmanuel Macron doit revenir sur ce renoncement
La France peut demeurer fidèle à ses engagements, mais également revoir ses priorités en plaçant l'accent sur les services sociaux de base et la lutte contre le changement climatique. Il en va de la crédibilité de la France sur la scène internationale et de l’avenir du Pacte de Paris pour les Peuples et la Planète. Nous appelons Emmanuel Macron à revenir sur ce renoncement au risque de contredire ses propos lors du Sommet : « Jamais aucun décideur, aucun pays ne doit choisir entre la réduction de la pauvreté ou la protection de la planète ».
Les 17 signataires :
Patrick Baudouin, Président de la Ligue des Droits de l’Homme
Patrick Bertrand, Directeur Exécutif d'Action Santé Mondiale
Olivier Bruyeron, Président de Coordination Sud
Emanuela Croce, Co-Directrice Générale de Care France
Alexandre Morel, Co-Directeur Général de Care France
Cécile Duflot, Directrice Générale d’Oxfam France
Aïcha Koraïchi, Présidente d’Action contre la Faim (ACF)
Rachid Lahlou Président-Fondateur du Secours Islamique France (SIF)
Sandra Métayer, Coordinatrice de la Coalition eau
Léa Rambaud, Coordinatrice de la Coalition éducation
Marie-Noelle Reboulet, Présidente du Geres
Friederike Roder, Vice-présidente plaidoyer Global Citizen
Camille Spire, Présidente de AIDES
Mackendie Toupuissant, Président du Forim
Florence Thune, Directrice Générale de Sidaction
Najat Vallaud-Belkacem, Directrice de l’ONG One
Serge Breysse, Directeur Général de Solthis