AU CŒUR D’UNE MARAUDE SOCIALE DU SECOURS ISLAMIQUE FRANCE
Le bruit du moteur du véhicule utilitaire du Secours Islamique France (SIF) résonne dans la nuit. Au tableau de bord, l’horloge indique 19 heures, un soir glacial de décembre. La voiture de service quitte le local du Secours Islamique France (SIF) à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Rachid, travailleur social, part en maraude sur les routes du département pour porter secours à des personnes sans-abri, en difficulté ou isolées. Le parcours préétabli, qui se fait en lien avec le « 115 », est long d’une trentaine de kilomètres. Rachid est accompagné de bénévoles, qui ont préalablement chargé le coffre de café et de thé chaud, et aussi d'une centaine de repas.
Les maraudeurs n'attendront pas bien longtemps avant de devoir s'arrêter : cinq minutes ont passé avant qu'un sans-abri ne sorte de l'ombre et lève la main pour signifier sa présence. C'est avec le sourire que l'équipe du SIF sort du véhicule pour aller à sa rencontre, puis prendre le temps de discuter avec lui. Car l'échange et l'écoute représentent un aspect très important des maraudes : la solitude est l'un des aspect difficile de la vie des sans-abri. Bénévole chevronnée, Abir explique:
Ce soutien moral et social mais aussi alimentaire est justement ce que sont venues chercher Malika (50 ans) et Cathy (45 ans) en rejoignant Abir, Rachid et Nelly, l'une des autres bénévoles. « Quel froid de canard ! », s’exclame ainsi Cathy, qui a plongé dans la dépression et le doute après avoir perdu son emploi de vendeuse en boulangerie. « On a un sixième sens, poursuit-elle. On sentait que le SIF allait arriver. Vous nous êtes d’une très grande aide… »
« Les gens du SIF me redonnent de l’espoir »
Cet enthousiasme est partagé par son amie, qui ne cherche pas à retenir ses larmes en racontant son histoire. « Je suis divorcée, explique Malika. Mon ex-mari est parti en laissant 24 000€ de loyers impayés. Je me suis donc retrouvée à la rue. Je travaillais dans la restauration, je ne trouve plus rien à cause du coronavirus. J’arrive à gagner un peu d’argent en faisant le ménage, mais pour l’instant je dois vivre avec 420 euros de RSA. J’en donne 200 à mes enfants, il ne me reste pas grand-chose. C’est vraiment difficile, discuter avec les gens du SIF me redonne de l’espoir. S’ils n’étaient pas là, ce serait bien triste… »
« Si on ne passe pas [faute de bénévoles] c’est un vrai manque pour les bénéficiaires »
Le SIF apporte donc un soutien précieux à Nelly, Malika et Cathy. C’est d’ailleurs le cas pour tous les bénéficiaires, très déçus quand le SIF est contraint d’annuler la maraude, faute de bénévoles disponibles à l’heure et au jour dit. « On se sent très attendus, confirme Abir. Si on ne passe pas, c’est un vrai manque pour les bénéficiaires, ils nous le rappellent à chaque fois. Beaucoup d’entre eux nous font confiance, ils se confient. Certains ne veulent pas que leur famille sache qu’ils sont à la rue. On est les seuls avec qui ils peuvent évoquer leurs problèmes. Cela les soulage. Quand l’un d’entre eux s’en sort en trouvant un emploi ou un logement, c’est un vrai bonheur. Nous, les bénévoles, sentons alors qu’on a fait quelque chose de bien et d’utile… »
Quelques kilomètres plus loin, au cœur de Saint-Ouen, c’est cette fois-ci un groupe d’hommes qui attend l’aide alimentaire du SIF. Plusieurs appartiennent à la même génération qu’Abir. « Quand je rencontre des sans-abri de mon âge, j’essaie de les conseiller, souligne la bénévole. Souvent, ils sont tombés dans la précarité après avoir été expulsés par leurs parents, ils n’arrivent pas à trouver de travail et de toit. On discute de solutions potentielles, cela leur permet de prendre du recul… »
Un numéro de téléphone à disposition des bénéficiaires
La distribution terminée, le véhicule reprend la route. Le silence est brisé par un appel sur le smartphone du SIF. Au bout du fil, un bénéficiaire. « Le 115 communique notre numéro à des gens dans le besoin, décrypte Abir. Ce monsieur nous a appelés pour nous dire qu’il a faim, et nous a demandé si on pouvait passer le voir. On va donc faire un détour pour lui porter secours… » Une étape de plus, donc, à effectuer dans une maraude qui se terminera finalement sur le coup de 22 heures...