ACTIONS D’URGENCE SIF
CRISE UKRAINIENNE
DANS LES PAS DE TROIS ÉTUDIANTS
ET RÉFUGIÉS MAROCAINS
Depuis le 24 février, l’Ukraine est le théâtre d’une violente guerre. Des millions de civils ont tout abandonné pour la fuir, des mouvements de populations annonciateurs d’une grave crise humanitaire. Pays frontalier, la Pologne accueille plus d’1,9 million de réfugiés. Sur place, les équipes du SIF mènent une évaluation au plus proche des personnes touchées pour construire une réponse humanitaire au plus vite. Rencontrés par notre Chef de mission dans une auberge polonaise, Ilias, Ossama et Zaïd sont trois étudiants marocains qui ont quitté Kiev sous les bombes. Malgré le fait qu’ils soient très marqués, ils ont accepté de témoigner.
« On a vu la mort en face… »
Quand il prononce ces quelques mots, Ilias (24 ans) a la voix saccadée et marquée par la fatigue. Ce jeune étudiant marocain reste très marqué par l’enfer qu’il a vécu en Ukraine. Comme plus de 3, 270 millions de personnes*, il a dû fuir le pays dans l’urgence à cause de la guerre qui y sévit depuis le 24 février dernier.
Ilias n’est pas parti seul : il était accompagné de ses amis Ossama (21 ans) et Zaid (18 ans), frères et étudiants en ingénierie aéronautique. Au terme d’un long périple de Kiev à Medyka, ville située en Pologne, les trois hommes récupèrent dans une auberge.
L’établissement accueille 70 réfugiés de tous horizons, venus d’Ukraine. A l’intérieur des locaux, Ilias, Ossama et Zaid ont rencontré Ioannis M., le Responsable des actions d’urgence du Secours Islamique France (SIF).
Les équipes de notre ONG mènent en ce moment même une mission exploratrice en Pologne, en Roumanie et en Moldavie. Ioannis et ses collègues y évaluent les besoins pour construire au plus vite la réponse humanitaire d’urgence du SIF face à la crise ukrainienne.
(*) Source: Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), chiffres arrêtés au 18 mars à 18h.
« On a entendu des bombes partout, on était choqués »
Le Responsable des actions d’urgence du SIF ne le cache pas, il a été particulièrement touché par ses échanges avec les trois étudiants. Ces derniers sont encore hantés par le souvenir du bruit des premières bombes tombées dans les alentours de leur immeuble. Ilias se rappelle :
« On dormait, il était 4 heures du matin. On a entendu des bombes partout, on était choqués ! On a pris nos passeports, nos téléphones, quelques vêtements, et on a tout laissé derrière nous. Une heure après, notre voisin nous a dit que notre immeuble était complètement détruit… »
Une semaine d’attente à la frontière sans eau, presque sans nourriture
Le début d’un véritable enfer pour les trois étudiants, qui prennent le train pour quitter Kiev. 553km de rails plus loin, Ilias, Ossama et Zaid descendent à Lviv, où un taxi accepte de les déposer gratuitement à la frontière. C’est le début d’une interminable attente avant qu’ils puissent se réfugier en Pologne. Pendant une semaine, les trois jeunes hommes vivent massés avec d’autres réfugiés, sans autre alternative que la rue. Ilias explique :
« Il faisait très froid, on a beaucoup souffert. On n’avait pas de nourriture, pas d’eau. Il n’y avait même pas de toilettes. Autour de nous, beaucoup d’autres réfugiés souffraient de choc thermique et étaient traumatisés psychologiquement. On avait l’impression d’être schizophrènes. Ces 7 jours ont été si durs qu’ils nous ont semblé n’être qu’une seule et longue journée. On n’a pas réussi à dormir, on avait vraiment peur… »
70km de marche pour quitter l’Ukraine, direction la Pologne
Comme des dizaines de milliers d’autres réfugiés, Zaid, Oussama et Ilias sont finalement autorisés à franchir la frontière… à pied. Épuisés moralement et physiquement, les trois étudiants puisent alors leurs dernières ressources alors au plus profond d’eux-mêmes. La marche silencieuse s’étend sur 70km, la distance pour arriver à Médyka. Ossama se remémore :
« C’était long, presque interminable. On marchait mécaniquement, on avait le sentiment d’être devenus des animaux. On était tellement fatigués que les souvenirs sont très flous… Heureusement, les autorités et la population nous ont très bien accueillis en Pologne. C’est un soulagement… »
Très inquiets pour la suite de leurs études
Un soulagement, donc, mais qui reste bien éphémère. S’ils se sentent en sécurité, Ossama, Zaid et Ilias ont laissé toute leur vie derrière eux. C’est désormais l’avenir qui les effraie. À l’heure actuelle, Ilias est pessimiste : l’étudiant en médecine a d’ores et déjà reçu une fin de non-recevoir quand il s’est renseigné sur une inscription éventuelle à l’Université de Varsovie, en Pologne. Le son de cloche est le même du côté de ses deux amis. Ossama conclut :
« Après tout ce qu’on a traversé, on se rassure en se disant qu’on est vivants, mais cela reste très difficile. On était en Ukraine pour étudier, et on a conscience qu’on ne pourra pas y retourner. C’est brutal, mais c’est comme ça. On est perdus, on se pose beaucoup de questions : on veut reprendre nos études au plus vite. C’est vraiment le plus important : on avait fait tellement d’efforts pour en arriver là, et on a fait des promesses à nos familles. Notre avenir en dépend… »