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Cessez-le-feu : Témoignage Gaza
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CESSEZ-LE-FEU À GAZA
« Ici, la situation humanitaire reste critique »
Si le Secours Islamique France (SIF) accueille avec soulagement le cessez-le-feu entré en vigueur entre Israël et le Hamas le dimanche 22 janvier, la crise humanitaire à Gaza est dramatique, et les besoins d’aide humanitaire, immenses. Membre de notre équipe sur place, Laila peine toutefois à se réjouir, tant ses traumatismes sont profonds, après 15 mois de guerre. Celle qui continue de participer à nos nombreuses actions d’urgence vouées à apporter un soutien vital à la population témoigne.
Née en Palestine il y a 26 ans, Leila (en tenue rouge sur la photo ci-dessus) a toujours vécu à Gaza. Depuis ses premiers mois, sa vie n’est pas simple : elle n’en avait que six quand elle est devenue orpheline de père. À l’époque, le bébé qu’elle était avait été pris en charge par le Secours Islamique France (SIF) au travers d’un de ses principaux programmes, le Parrainage. Devenue adulte, et après avoir pu suivre des études universitaires, Leila est entrée dans la vie active en intégrant le SIF comme… Chargée de projets parrainage et d’aide à l’enfance dans nos bureaux de Gaza.
Pendant les 15 mois de guerre, Laila a refusé d’abandonner sa mission humanitaire malgré la violence du conflit. Une leçon de courage et d’abnégation : Leila, sa petite fille de deux ans, sa famille et ses proches ont eux-mêmes perdu leurs maisons, sont restés constamment exposés au stress des bombardements, et ont subi les effets des pénuries alimentaires et d’eau particulièrement drastiques.
« Aucun de mes mots ne sera jamais assez fort pour rendre compte de l’ampleur de nos souffrances », confie Leila, alors que le SIF espère que le cessez-le-feu en cours permettra d’accélérer la mise en place des actions d’urgence qu’il a prévu pour les prochains jours :
• La distribution de 2 800 repas chauds par jour pendant un mois ;
• La distribution de milliers de tentes, matelas, couvertures ;
• L’acheminement de centaines de milliers de litres d’eau pour 100 000 personnes ;
• La distribution de colis de fruits et de légumes frais pour 45 000 personnes ;
• L’assainissement de camps de déplacés, surpeuplés et insalubres, par des déblaiements et un système de gestion des déchets ;
• La distribution de 36 000 dispositifs de protection contre les insectes nuisibles, vecteurs de maladie.
LE TEMOIGNAGE DE LAILA
Le cessez-le-feu, entre espoirs et besoins d’aide d’urgence
« Ici, à Gaza, à chaque seconde depuis le début de la guerre, je m’attendais à mourir sous les bombardements. Je remercie Dieu d’être encore en vie. J’espère vraiment que le cessez-le-feu se passera sans heurts, et que je pourrai rentrer chez moi. Toutefois, la situation reste critique. Nos vies sont extrêmement affectées par la destruction massive de Gaza. Les maisons, ainsi que les installations et infrastructures de base, comme les écoles, les hôpitaux, et les réseaux d’eau et d’électricité… Tout est touché. Notre quotidien n’a jamais été aussi difficile. On rêvait d’un cessez-le-feu, mais je n’ose pas me réjouir pour l’instant, tant nos souffrances sont immenses. Les guerres répétées ont eu de lourdes conséquences sur le bien-être psychologique de tous les Gazaouis. Nous avons tous perdu des êtres chers et vivons dans l’anxiété et la peur. Ici, nous espérons tous que ce cessez-le feu sera soit le début d’une solution globale, qui nous apportera sécurité et stabilité. Nous rêvons de retrouver une vie normale dans un climat de paix, sans violences ni destructions. Il faudra sans doute du temps, et beaucoup d’aide humanitaire…
Sa fille, Maria, rêve de la maison familiale
« A cause de la guerre, ma fille Maria va retourner dans une maison détruite et dans des quartiers remplis uniquement de décombres. Elle avait un et demi quand nous avons dû la quitter à cause des bombardements, et elle regardait des photos tous les jours sur mon téléphone pour ne pas l’oublier, et aussi pour garder en mémoire la chambre que nous lui avions préparé avant sa naissance. Malheureusement, elle va la retrouver dans un tel état qu’elle ne ressemblera en rien aux photos qu’elle regardait tous les jours pour ne pas l’oublier, ni oublier la chambre que nous lui avions préparée avant sa naissance. Cette chambre était remplie de jouets, de poupées, d'un lit blanc, de fleurs et de ses beaux vêtements. Elle était si impatiente de retourner dans sa chambre pour jouer, s'amuser et regarder la télévision, dont elle me parlait toujours, et rêvait de s’amuser de nouveau avec ses jouets. Maria devait rejoindre une crèche, et l'année prochaine, un jardin d'enfants, mais tout a été détruit… »
La peur de l’avenir
Ma fille va vraiment être déçue : Maria a maintenant trois ans et est consciente de ce qui se passe autour d'elle. Elle attendait la nouvelle du cessez-le-feu, comme les adultes. Lorsque nous avons entendu la confirmation de la trêve, elle s'est mise à danser, à courir et à dire : « Trêve, trêve ! Nous allons retourner chez nous, à Gaza ! » Elle portait ses poupées et mettait ses jouets sur son dos, voulant retourner immédiatement chez elle, sans se rendre compte qu'il nous faudrait encore du temps. Son père et moi ne savons toujours pas si nous allons pouvoir retourner à l’endroit où nous habitions, et ce que nous allons ressentir. Sera-ce une nouvelle tragédie et de nouvelles souffrances ? Est-ce que nous méritons de pleurer, encore, après des mois de difficultés et de patience ? Comment vais-je offrir à ma fille un endroit et un environnement adaptés, alors que même l'air qu'elle respirera sera rempli de polluants et de restes de bombes et de missiles ? Maria devait rejoindre une crèche, et l'année prochaine, un jardin d'enfants, mais il n'y a aucun signe d'endroit qui convienne à nos enfants à Gaza ! »
En mars 2023, en pleine guerre, Laila avait déjà accepté de partager son quotidien, entre traumatismes et contribution aux actions d’urgence du Secours Islamique France à Gaza. Un témoignage poignant, que nous vous proposons de (re)découvrir.
Le contexte à Gaza : « Plus rien pour subvenir à nos besoins »
« À cause de cette guerre, des milliers et des milliers de personnes ont dû se déplacer. Elles n’ont eu d’autres choix que de fuir leur maison, sans aucun préavis, sous la menace constante des bombardements. Toutes ces personnes vivent maintenant dans des tentes, dans des zones de conflit complètement inadaptées. La situation s’est encore dégradée avec l’arrivée de l’hiver : le manque de lits, de couettes, et de vêtements chauds se fait durement sentir, il n’y a plus rien sur les marchés pour qu’on puisse faire face au froid glacial. De plus, avec les pluies régulières, l’eau s’infiltre dans les tentes, et les eaux usées coulent dans les rues, ce qui provoque le développement d’épidémies. C’est très inquiétant, car les infrastructures de santé débordent de monde, la plupart sont presque hors service, et manquent des traitements et médicaments nécessaires. Toutes ces souffrances s’intensifient à cause de la faim et de la soif : nous n’avons plus rien pour subvenir à nos besoins les plus essentiels. »
Le quotidien à Gaza : « Nos conditions de vie sont inhumaines »
« Chaque matin, nous nous levons en remerciant Dieu d’être toujours vivants et de ce monde. Mais finalement, on n’a pas le temps d’y penser. S’aventurer dehors est un risque pour nos vies, mais on doit sortir dans l’espoir de trouver de la nourriture et de l’eau, puis on rentre, épuisés. Ici, à Gaza, on ressent tous de la peur à chaque instant, et beaucoup la crise, qui se manifeste en tout. Ce conflit dure depuis maintenant 4 mois, et on n’entrevoit pas le moindre signe d’une issue prochaine. La situation est tellement grave que tout le monde, sans exception, a besoin d’aide humanitaire. Nos conditions de vie sont inhumaines, et on a du mal à comprendre : parfois, on a le sentiment que notre seul tort à nous, les civils, est d’habiter en Palestine… »
Les distributions alimentaires du SIF : « L’un des rares moments où les enfants sourient… »
« Distribuer de l’aide humanitaire à Gaza constitue un défi immense : l’insécurité permanente complique l’acheminement des colis, et regrouper les bénéficiaires en un seul endroit peut être dangereux en cas de bombardements, on doit faire attention à tout ! On se concentre sur les personnes déplacées, qui vivent dans des conditions extrêmement difficiles. Elles sont très affaiblies, il pleut régulièrement, l’eau envahi leurs tentes, et les eaux usées coulent dans les rues, véhiculant des maladies. Pour les bénéficiaires, les colis sont d’une aide vitale. D’une part, parce que leur apport nutritionnel est conséquent. D’autre part, parce que les prix ont explosé : les denrées alimentaires sont devenues rares. Tout ce qu’il reste est donc très cher, donc hors de portée pour la plupart des Gazaouis. Les distributions figurent d’ailleurs parmi les rares moments où l’on voit des enfants sourire… »
En plus de leur valeur nutritionnelle, les colis apportent du réconfort aux bénéficiaires, dont de nombreux enfants, sous le choc quotidien d’une guerre sans précédent à Gaza.
L’état moral : « On est à bout psychologiquement »
« Le découragement prend parfois le dessus parce qu’on est à bout psychologiquement. La destruction de nos maisons a effacé nos souvenirs agréables, pour ne laisser place qu’à la réalité du conflit. Ici, ils sont innombrables à avoir perdu un ou même plusieurs membres de leur famille, ou des proches, sans même avoir pu lui ou leur dire adieu, ou partager un dernier regard. Cette guerre empêche même d’être en deuil dignement. Moi-même, je suis terrifiée à l’idée de perdre mes sœurs et ma mère : avec ma fille, elles représentent tout ce qu’il me reste dans la vie. Mes sœurs et ma mère sont loin de moi, les coupures constantes des réseaux de téléphone et d’internet m’empêchent de prendre régulièrement de leurs nouvelles. Comme moi, beaucoup de gens s’accrochent à l’espoir d’une paix qui leur permettrait de retrouver de la sécurité, et la chaleur d’un foyer avec ceux qu’ils aiment… »
La guerre et l’enfance : « Ma fille me dit souvent "Maman, notre maison est cassée" »
« Ma fille Maria était une enfant pleine de vie, qui passait son temps à rire et à jouer. Avec cette guerre, elle est plongée dans la peur, et ne dort plus à cause des intenses bruits d’explosion. Les mots qu’elle entend et apprend ne sont que des mots d’effroi. Maria est perdue, elle nous pose sans cesse la même question : où est la maison ? Quand elle la voit en photo, elle pleure et dit "Maman, notre maison est cassée, mon cheval en bois aussi". Elle demande sans cesse ses jouets, surtout quand elle s’en souvient après avoir vu des images sur le téléphone. Puis, ses larmes coulent de nouveau. Tout ce que je peux faire, c’est la porter, et essayer de la réconforter. Récemment, Maria est tombée malade, elle a une grippe qui ne finit pas, et tousse sans arrêt. Je suis extrêmement inquiète pour elle… »
En Palestine, le SIF est mobilisé pour apporter à Gaza un soutien alimentaire crucial à la population civile, qui manque de tout